Quatre coups de cœur de Nyon, Télérama, 8 avril 2011
(…) Marcel Ophuls et Jean-Luc Godard, la rencontre de Saint- Gervais, dialogue entre les deux cinéastes tourné dans un théâtre de Genève en octobre 2009, par Frédéric Choffat et Vincent Lowy. (…) Echange matois et teinté d’humour, qui permet à Godard d’évoquer sa découverte du Chagrin et la pitié, son enfance durant l’Occupation et ses parties de foot place Perdtemps, où je réside à Nyon ; mais aussi un projet commun, qui n’a pas vu le jour. Dans la mémoire d’Ophuls, il concernait les relations israélo-palestiniennes ; pour Godard, il s’agissait plutôt d’interroger la notion d’« être juif ». Par- delà le hiatus mémoriel entre les deux vieux camarades, la méfiance du premier à l’égard du second émerge rapidement. Méfiance d’une forte personnalité vis-à-vis d’une autre, avec laquelle Ophuls aurait sans doute eu quelque mal à travailler. Avec humour, celui-ci pointe la mémoire sélective de Godard et sa propension naturelle à tirer la couverture à lui. En guise de réponse, Jean-Luc scrute longuement le plafond, puis propose à Marcel une méthode de travail à même de le satisfaire. Et l’on sort amusé de cet échange d’une petite heure. Amusé et curieux de découvrir, un jour prochain, le fruit hypothétique d’une coopération entre leurs deux regards, leurs deux rapports au monde, leurs deux façons de demeurer fidèles au cinéma. (…)
François Ekchajzer et Emmanuelle Skyvington